Y a-t-il une place pour la vie monastique dans l'Église d'aujourd'hui ? Pourquoi nous obstinons-nous à proposer un modèle d'Église qui est idéologique ?
🇮🇹 La vita monastica nella Chiesa del terzo millennio
L'Église catholique traverse une crise profonde, notamment en ce qui concerne les vocations au ministère sacerdotal et à la vie religieuse. Alors que la rhétorique sur le cléricalisme se poursuit, les paroisses se retrouvent sans prêtres et les communautés religieuses se vident.
Beaucoup de personnes, malheureusement aussi des ecclésiastiques, confondent ce qui est
l'abus de pouvoir et de conscience, commis par certains religieux (et religieuses) ou presbytres, et ce qui est le ministère sacerdotal.
Comme toujours, généraliser est inutile et ne conduit pas à une réflexion profonde, qu'il convient au contraire de promouvoir. Nous assistons à une véritable lutte contre le ministère ordonné. Nous passons des féministes qui parlent de cléricalisme mais protestent ensuite parce qu'elles veulent que les femmes soient ordonnées, aux laïcs qui se plaignent de ne pas avoir de place dans l'Église. En effet, de multiples exemples montrent qu'il s'agit d'une énième soif de pouvoir et non d'un réel désir de servir l'Église.
La vie de prière
Pendant les cinquante dernières années, l'Église s'est beaucoup concentrée sur l'action. La vie des communautés paroissiales en est un exemple. Il suffit d'ouvrir les magazines paroissiaux, de regarder les panneaux d'affichage à l'entrée des églises. Manifestations, grest, oratoire, cinéma, etc... La vie de prière des communautés se réduit à la Sainte Messe quotidienne, quand elle se passe bien.
Toutefois, le Concile œcuménique Vatican II, tant vanté par les promoteurs de ce changement, a recommandé que la liturgie des heures soit également promue auprès des laïcs. L'adoration eucharistique est totalement absente dans de nombreux endroits. La prière pour les vocations n'est plus qu'un lointain souvenir, et les pasteurs, eux aussi, accordent très souvent peu d'attention au soin des âmes, au suivi des jeunes hommes et femmes qui pourraient être appelés à une vie monastique, sacerdotale ou religieuse.
Le Saint Père émérite, Benoît XVI, en visite à la Chartreuse de Serra San Bruno rappelait :
"Le ministère des pasteurs puise dans les communautés contemplatives une sève spirituelle qui vient de Dieu." Rien ne pourrait être plus vrai. La vie monastique est le cœur palpitant de l'Église. Grâce aux communautés de prière, à l'activité des prêtres, des religieux de la vie active, et des laïcs dans leurs activités sociales, elle réussit à toucher le cœur des hommes et des femmes qui la rencontrent.
Les communautés religieuses de vie contemplative, bien que le paysage mondial soit tout sauf heureux, ont entendu frapper fréquemment à leur porte ces dernières années. "Il y a une recherche de radicalité", a déclaré l'abbé de Solesmes après avoir rendu visite au pape François la semaine dernière. C'est vrai. Les jeunes d'aujourd'hui ont besoin de points de référence et veulent voir des personnes qui croient vraiment en ce qu'elles font. Des expériences comme le pèlerinage de Chartres en sont un exemple vivant.
La vie monastique sérieuse s'épanouit
Si plusieurs monastères de femmes et d'hommes sont sur le point de fermer, beaucoup d'autres sont florissants. Ce sont des réalités qui vivent leur charisme avec sérieux et ne se laissent pas séduire par le désir de plaire aux autres. L'un des plus beaux ordres que possède l'Église catholique est celui des Chartreux. L'ordre a été fondé par Saint Bruno en 1084 en Isère, France. Leur vie est totalement inconnue aux yeux du monde et leur vie est une vie de stricte réclusion. Ces dernières années, la chartreuse italienne de Farneta a vu un certain nombre de jeunes frapper à sa porte en quête de cette radicalité. Prière et étude, détachement du monde pour contribuer à l'œuvre de l'Église dans le monde.
L'abbaye de Sainte-Madeleine du Barroux est également une réalité très vivante et les moines sont très jeunes. Ils vivent la règle de saint Benoît de manière sérieuse et offrent également à l'Église de la vie active une occasion importante de revenir à la source de leur vocation. Les communautés contemplatives servent également à offrir à ceux qui mènent une vie active une période de "rechargement spirituel", de réflexion, de retour à soi, loin du bruit du monde. Ces lieux sont très importants et leur présence est un témoignage très important.
Quelle Église les jeunes veulent-ils ?
Nous sommes habitués à entendre des mantras disant que les jeunes veulent une Église moderne, ouverte, renouvelée, etc... Qui propose ce modèle? Qui parle au nom des jeunes ? Dans l'Église, il y a un énorme cancer, chacun parle au nom de tous les autres. Les hétérosexuels parlent des homosexuels, les laïcs parlent des prêtres, les personnes âgées parlent des jeunes, les prêtres séculiers parlent de la vie monastique, etc. Les gens ne savent pas écouter et veulent toujours imposer leur propre vision. Aujourd'hui, nous sommes pleins d'évêques, de recteurs de séminaires, de curés, de théologiens et de journalistes qui parlent de l'Église du Concile (on peut se demander s'ils ont jamais compris ce que ce bienheureux Concile a dit), mais ce sont des gens qui ont déjà fait leur temps.
Les jeunes d'aujourd'hui ne veulent pas de cette Église, un modèle que l'on veut leur imposer avec l'arrogance du père maître. Les jeunes d'aujourd'hui demandent de la radicalité, ils ressentent le besoin de personnes qui croient en ce qu'ils professent. Radicalité, cohérence, transparence. Même si l'on veut continuer à diaboliser le vetus ordo, ces célébrations sont pleines de jeunes. Même si l'on veut continuer à diaboliser la vie contemplative sérieuse, ces célébrations sont pleines de jeunes. Même si l'on veut diaboliser la radicalité et la confondre avec la rigidité, c'est ce que les nouvelles générations recherchent aujourd'hui.
C'est peut-être difficile à admettre, c'est une défaite pour ces faux liturgistes qui ont fait fortune à force d'écrire des livres sur le Concile, c'est une défaite pour ces historiens de l'Église autoproclamés qui, à force de parler du Concile, vont se casser la tête. Mais malheureusement pour eux, le Conseil n'a jamais dit ce qu'ils voulaient qu'il dise. Comme l'a bien expliqué le Souverain Pontife émérite, Benoît XVI, dans son dernier discours au clergé romain, il y a cinquante ans, il y a eu deux Conciles : un médiatique et un réel. Ces professeurs autoproclamés veulent aujourd'hui propager un Conseil qui n'a jamais eu lieu et dont ils ont simplement rêvé, lu dans les médias.
Il est donc facile d'écrire un texte comme Traditionis Custodes où il est dit que les fidèles et les presbytres doivent accepter le Concile œcuménique Vatican II. On pourrait se demander : lequel? Celle qui est écrite, celle qui vient de l'âme des Pères du Concile, ou celle qu'Arthur Roche et le Pape veulent imposer ? N'oublions pas que François est le premier Pape qui n'est jamais entré dans cette assemblée. A la lecture des textes, il ne semble pas qu'il soit dit que le ministre (a fortiori le Pape) peut concélébrer l'Eucharistie avec la soutane sans aucun vêtement. Pourtant, le pape l'a fait.
Le concile n'a jamais diabolisé la vie contemplative, pourtant José Rodríguez Carballo, une personne notoire qui a commis des délits avec l'argent de l'ordre des frères mineurs, a œuvré en ce sens ces dernières années. Nous parlons du document Cor Orans. Perfectae Caritatis ne peut absolument pas être compris de cette manière, bien au contraire. "Le renouveau de la vie religieuse, dit le décret, comporte le retour continuel aux sources de toute forme de vie chrétienne et à l'inspiration primitive des instituts". L'instruction Cor Orans, publiée par la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique (aujourd'hui Dicastère pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique) ne conduit pas du tout à cela, au contraire. C'est un texte qui va à la détente de la vie religieuse. Carballo a, à plusieurs reprises, signalé que la vie religieuse d'aujourd'hui n'a plus rien à communiquer au monde. Il s'agit d'un frère mineur de 70 ans qui est manifestement triste de sa propre vie, et c'est bien ainsi. Mais pourquoi doit-il décider pour ces jeunes qui, contrairement à lui, veulent vivre sérieusement la vie religieuse ?
Le cardinal Joseph Ratzinger écrivait en 1998 qu'il était "convaincu que la crise de l'Église que nous vivons [...] dépend largement de la désintégration de la liturgie". On pourrait aussi ajouter la vie religieuse.
P.L.I
Silere non possum
Le 5 septembre 2022, le Saint-Père a reçu le Révérend Père Geoffroy Kemlin, O.S.B., Abbé de Saint-Pierre de Solesmes. Les jours suivants, il a été interviewé par l'
édition française d'Aleteia.